- A peine était-elle entrée dans l’immense salle du trône, que son père l’apostropha. « Aphrodite ! » Sa voix tonna contre les murs de la pièce, et la jeune femme se sentit redevenir enfant, quand elle se tourna pour affronter le regard métallique de son paternel. Il tenait un journal entre les mains, et le lui tendit. Sans hésiter, l’ambassadrice s’en saisit et posa son regard sur le papier. Le gros titre était à propos d’elle… Et de Cal. Ils avaient passé le festival d’été ensemble, et s’étaient éclipsés ensemble, plus proches que jamais. D’ailleurs une photo accompagnait l’article, et même si ils étaient de dos, les deux amants étaient reconnaissable, ne serait-ce qu’à leurs vêtements et à leurs chevelures caractéristiques de leur famille respective. « Quand vas-tu cesser de te comporter ainsi ? Tu es fiancée, je te rappelle. » La brune laisse son regard ambré un peu plus longtemps sur la photo, détaillant le corps de son amant, mis en valeur dans un costume taillé sur mesure, et toujours parfaitement visible sur la photographie. Et puis, elle leva la tête. « Je n’aime pas l’homme que vous avez choisi pour moi, père. Ce n’est même pas un eartanarien ! » protesta encore la jeune femme, qui n’avait de cesse d’utiliser cet argument. « Les Oshun ne sont pas plus Eartanariens, Aphrodite. Cesse de déshonorer notre famille et notre nation. » Aphrodite secoua la tête. « J’entretiens les bonnes relations avec l’empire, père, c’est mon travail. » Thomas eu un regard mauvais. « Etre la catin de Cal Oshun n’est pas le travail d’une Griffith ! Il épousera Saeko, et tu épouseras le Valaeris que je t’ai choisi. Que tu le veuilles ou non. »

Jamais un homme ne l’avait embrassée comme ça. Les yeux clos, le cœur qui tambourinait contre sa cage thoracique, la brune profitait pleinement de ce premier baiser. Un baiser qu’elle avait longuement attendu, de la part du prince héritier. Elle s’était faite fatale, plusieurs fois, exprès pour l’attirer entre ses filets. Féline, elle n’avait jamais hésité à réduire la distance protocolaire qui devait les tenir éloignés. Et alors qu’elle lui parlait, cette fois sans arrières pensées, il avait finalement craqué. La poussant contre une table, que ses reins heurtèrent doucement. Le baiser s’allongea, alors que les mains de la brune se perdirent contre le torse du prince, et puis dans ses cheveux. Et puis finalement, Cal s’éloigna. Mais elle ne l’entendait pas, de cette oreille, et elle se rapprocha, pour venir réclamer un second baiser, qu’il lui accorda sans résistance. Et cette fois, pour être sûre qu’elle ne le lâcherait pas, elle vint coller son corps au sien, comme une invitation à ce qu’il l’effeuille telle la rose qu’elle était, et plus encore entre ses bras à lui.

L’alcool avait largement pris possession d’une bonne partie de sa capacité de réflexion. La Griffith riait bien trop facilement aux blagues que les mondains lui racontaient. Ils étaient sans doute persuadés d’être drôles, persuadés de réussir à séduire un peu cette fille à moitié sauvage, que l’on ne disait domptée que par un seul homme. Et pourtant, malgré cet homme, elle s’amusait à butiner ailleurs, pour le voir venir vers elle. La jalousie de Cal était comme un je t’aime murmurer contre sa peau avec une délicieuse violence. Mais ce soir, elle n’était pas la seule à avoir eu la main lourde sur l’alcool. Car quand son amant la retrouva, il n’était plus aussi sérieux que d’habitude. Un sourire fendait son visage, un sourire qui la fit fondre si bien, si vite et si fort qu’elle laissa son verre sur un plateau déjà trop rempli – elle ne se rendit pas compte qu’elle provoqua la chute des tous les verres, d’ailleurs – et attrapa la chemise de son amant avant d’allier coller sa bouche contre la sienne. Ils étaient entre plusieurs personnes, un cercle de fêtards qui discutaient, qu’elle avait brisé sans aucune décence, et que Cal ne semblait pas avoir envie de reformer, puisque ses mains trouvèrent les hanches de la princesse de pierre, pour venir l’attirer contre lui. Elle eut un léger rire contre les lippes impériales, tandis qu’autour d’eux, on s’éloignait, comprenant que l’on était de trop. La jeune femme laissa le bout de sa langue glisser contre sa lèvre inférieure. « Suit moi. » ordonna le futur empereur, avant même qu’elle n’ait pu lui demander de l’emmener ailleurs. Déjà, il lui donnait exactement ce qu’elle voulait, sans avoir à le demander.

Aphrodite eut un léger rire, le regard pétillant, alors qu’elle secouait la tête devant l’air perplexe d’Aimeric. Isaure, elle, souriait doucement en regardant son frère. « No no no, sweetie. Repeat after me: blueberries. » Le petit garçon tenta de répéter et d’imiter l’accent parfait de sa mère, mais son ascendance flamaerienne reprenait constamment le dessus, et l’empêchait de prononcer quelques lettres de la bonne manière. « That’s alright love, you’ll do better with time. » Aphrodite ne faisait que parler l’ancienne langue de sa nation avec ses jumeaux. Elle voulait qu’ils sachent la parler aussi bien qu’elle, mais pour l’instant, Isaure était bien plus douée que son frère. Cal entra dans la pièce quelques seconds plus tard, il s’approcha de sa petite famille, Adrien et Isaiah sur ses talons. « Mom, can we go play outside with Adrien and Isaure, now ? » Elle sourit, alors que Cal vint glisser ses doigts dans sa nuque. La question d’Aimeric était bien formulée, mais à nouveau son accent ne détrompait personne. « Go, and take lady K’han with you, I don’t want you alone. I’ll know if you don’t. » Et puis elle répéta son instruction en Aksani, pour s’assurer que ses enfants ne pourraient pas dire qu’ils n’avaient pas compris. Cal ne dit rien, son regard posé sur ses enfants était suffisant : ne désobéissez pas à votre mère. Une fois la porte refermée, l’empereur s’installa près de sa femme, qui vint glisser une jambe de part et d’autre de ses genoux, et s’installe à califourchon sur lui. Les mains du blond remontèrent contre son dos, et ils partagèrent un long baiser langoureux, et tendre. « Ils font des progrès ? » s’enquit Cal. Lui aussi voulait que leurs enfants parlent la langue d’Eartanera. Toutes les langues, à vrai dire. Ils étaient les héritiers d’un empire, après tout. Elle hocha la tête. « Surtout Isaure. Quand Aimeric parle, j’ai l’impression de t’entendre toi. » Elle sourit, et Cal secoua doucement la tête, l’air tout de même amusé. « Comment va Adrien ? » Les doigts de Cal montaient et descendaient le long de sa colonne vertébrale. « Bien. Je ne veux pas faire l’erreur de ma mère, et lui mettre trop de pression sur les épaules aussi jeune. Il aura bien le temps d’apprendre à diriger plus tard. » Elle hocha la tête. « Et Isaiah… C’est bien ta fille. » souffle-t-il contre ses lèvres, alors qu’Aphrodite se rapproche de son visage. Elle hoche encore la tête. « Je veux d’autres enfants, Cal. » Après presque 4 ans, elle voulait sentir ce bonheur encore une fois, au moins une fois. L’homme glissa ses mains autour de son visage, et l’embrassa longuement. « Moi aussi. » confia-t-il avant de glisser ses lippes contre la machoire de sa femme, qui ferma les yeux et laissa ses doigts trouver les boutons de la chemise de son époux.

Son père était agenouillé devant l'empereur, et Aphrodite osait à peine regarder. Elle se tenait en retrait, son fils Adrien entre ses bras, le ventre déjà légèrement arrondit de son second enfant qu'elle attendait déjà. Elle tenait son fils de sorte à ce qu'il ne puisse rien voir. Le bambin, âgé d'un peu plus d'un an, était calme, une de ses petites mains posées sur son épaule, et l'autre sur son bras. Elle le berçait doucement, mais ses gestes étaient plus destinés à la rassurer elle. Aphrodite avait exigé que son fils soit présent. La loi eartanarienne coulait dans ses veines. Lors de l'exécution d'un ennemi noble, c'était celui qui prononçait la peine qui devait l'exécuter, et la famille régente devait être présente dans son entièreté, ou du moins le couple, et l'héritier. Pourtant les autres Oshun étaient là aussi. Wanda était prêt d'elle, une main contre ses reins, et Maven était proche de Cal. Isaure était présente également, de l'autre côté de l'impératrice, son regard cobalt posé sur le traitre. Aphrodite savait quelle vision elle offrait à son père: une traitresse. Une Eartanarienne qui avait abandonné les siens, volée par la famille impériale. La rose, brûlée jusqu'à la racine. Même sa terre était incandescente, désormais. Finalement, son époux ouvrit la bouche. « Thomas Griffith, vous êtes accusés de haute trahison envers l'empire. Pour avoir conspiré envers la couronne, et lever le peuple d'Eartanera envers celui d'Aksana, je vous condamne à mort, ici et maintenant. » Aphrodite lui avait demandé, des jours durant, des heures, elle l'avait supplié de le faire lui-même. L'ancienne Griffith offrait là son dernier cadeau à son père. Si il mourrait, elle ne voulait pas le voir mourir de la main d'un bronze, un inconnu au visage dissimulé par le masque des bourreaux. Il devait mourir de la main d'un bleu au sang impérial. Le regard ambré de l'impératrice croisa celui, métallique, de son père. Elle avait les larmes aux yeux, mais se retint de justesse de se précipiter vers lui. Elle berça plus encore Adrien, qui gémit doucement et tapa de son petit poing contre l'épaule de sa mère. « Shhh » souffla-t-elle seulement pour lui, calmant ses nerfs et ses mouvements. Wanda s'approcha plus encore. « Donne moi Adrien, Aphrodite. » Elle déglutit et transféra l'enfant à sa tante. « Une dernière volonté? » demanda Cal. L'homme à terre, les bras dans le dos, n'avait d'yeux que pour sa fille. Celle qu'il pensait pouvoir maîtriser, celle qu'il pensait voir faire tomber les Oshun, et pas les rejoindre. Il avait tellement d'espoirs en elle... Et elle s'était amouraché de l'empereur lui-même, 'lavait épousé, était la seule femme de leur famille à avoir perdu son nom. « Aphrodite. » fit simplement Thomas. Cal hésita, il fit un pas, presque imperceptible, pour se mettre entre sa femme et son ennemi. Elle s'approcha, posa une main sur l'épaule de son mari, comme pour lui dire ça va avant de rejoindre son père. Elle s'agenouilla aussi, devant lui, se mettant à sa hauteur. « Un vrai Griffith fera tomber tes bâtards, et reprendra mon travail où vous l'avez arrêté, catin. » Un clignement de paupières, et une larme glissa contre la joue diaphane de l'Eartanarienne. Elle se pencha une dernière fois, et posa un baiser contre la tempe de son père, avant de lui souffler. « Tous les Griffith sont avec moi, vous avez perdu, père. » Et quand la brune se releva, elle croisa le regard de son époux, qui, animé de rage et de haine d'avoir entendu sa femme traitée ainsi par son propre père, n'hésita pas une seconde avant de faire tomber sa lame contre la nuque de l'ennemi.

Les larmes ne semblaient pas vouloir s'arrêter, contre les joues de l'impératrice. On lui avait pris Adrien, pour l'emmener au lit, et elle était seule dans ses appartements immenses, alors que son époux réglait encore quelques détails. Mais rapidement, la porte s'ouvrit sur Cal, et elle se leva sans tenter de cacher ses larmes. Le blond se précipita sur elle, enveloppant ses épaules d'une étreinte réconfortante. Aphrodite se colla à lui, glissant son visage contre le torse de son mari. Il était beaucoup plus grand qu'elle, et entre ses bras, elle avait la sensation d'être en sécurité et d'être parfaitement cachée à la vue du monde entier. Les doigts de son mari vinrent caresser son crâne avec tendresse, alors qu'elle sanglotait toujours doucement contre lui. « Je t'aime. » finit-il par souffler, sachant pertinement que ces simples mots, rares dans leur couple, ravivait une flamme au sein du coeur meurtri d'Aphrodite. Elle leva la tête, les yeux bouffis et rouge, l'air fatiguée et usée. Les doigts de sa moitié vinrent se poser contre sa joue, pour en caresser doucement la peau, et surtout secher ses larmes. Elle se hissa sur la pointe des pieds, pour réclamer un baiser qu'il lui donna sans hésitation. L'impératrice ferma les yeux, et approfondit un peu ce baiser. Elle ne s'arrêta pas en chemin. Elle avait besoin de son époux, elle l'avait besoin contre elle, et plus encore. Alors qu'elle se colla encore, encore plus, et laissa ses doigts débarasser son mari de sa chemise, et puis de son pantalon, et alors que sa robe tombait contre ses chevilles, elle glissa ses bras autour du coup de l'empereur, qui la souleva avec une facilité liée à l'habitude, tandis qu'elle glissait ses jambes autour de sa taille. La manière avec laquelle il lui fit l'amour ce soir-là était tendre, et délicieuse. Elle se sentit aimée, et vivante, entre ses bras, et tenta de lui rendre tout ce qu'il lui donnait, sans s'en sentir capable tant il lui donnait tout. Et quand ils eurent terminés, et que leurs corps étaient entrelacés sur leur large lit, elle souffla doucement contre sa peau. « Je t'aime. »